
Lorsque j’étais enfant, une visite à la famille sortait du lot : nous allions voir une tante qui habitait un des quartiers défavorisés de Fort-de-France.
En plus d’aller dans une grande ville, c’était toute une expédition. C’est le genre d’endroit où il faut bien veiller à se garer dans un lieu suffisamment sécurisé pour être sûr de retrouver sa voiture au retour !
Mais ce n’est pas ce qui me fascinait. Arrivés à destination, après avoir passé un portillon exigu, nous voici dans un autre univers. Au bout d’un long corridor entre les murs des maisons voisines, voici qu’apparaissait la porte.
Comme d’habitude, nous voilà installés dans le salon, avec son éternelle nappe jaune et une belle bouteille de Caresse Antillaise orange. Pour les connaisseurs, vous imaginez la joie de nos papilles d’enfant devant ce bonbon fait boisson 😉
Pourtant, mon imagination d’enfant ne pouvait se défaire d’une question : qu’y avait-il derrière ces murs aveugles ? Car, hormis la porte et la fenêtre qui donnaient sur le petit corridor par lequel nous étions arrivés, aucune autre ouverture vers l’extérieur dans cette pièce. On ne voyait pas le ciel du tout (le corridor était trop étroit, les autres maisons masquaient la vue)
Si on creusait un trou dans ce mur, aurait-on une maison «normale» ? Pour moi, enfant venue de la métropole, élevée dans une maison, un immeuble moderne, c’était une ambiance totalement surréaliste.
Pendant des années, j’ai, visite après visite, imaginé ce que serait cette pièce avec une vue sur le ciel.
2025 : retour aux sources
Aujourd’hui, devenue adulte, reste de cette époque ce rêve et la chaleur de l’accueil. Je me rends compte que pour ces gens qui n’avaient pas grand-chose, vivant dans une maison et un quartier défiant toutes les règles d’urbanisme, ça représentait un moment important, un rayon de soleil.
Et surtout, que derrière ce mur aveugle, il y avait… la maison voisine, pas le ciel ! Les maisons étaient construites par leurs habitants, en fonction de la place disponible et des moyens qu’ils avaient. Au fur et à mesure, ils amélioraient intérieur et extérieur.
Dans les derniers temps, le corridor avait acquis de la couleur, du carrelage et des gouttières. Le bleu du ciel était toujours absent alors la couleur des murs le remplaçait.
Après une vie de dur labeur, cette tante vit aujourd’hui dans une petite maison à la campagne et regardez la vue de son salon :

Alors, en souvenir de ce rêve d’enfant, dans ce tableau, après avoir traversé le quartier, on trouve un peu de verdure et surtout, le ciel bleu, visible depuis la porte !
No responses yet